À propos d'Art singulier

Art singulier,brut, naïf, modeste...

Novembre 2025 : Longtemps ce blog présenta un exposé sur les distinctions Art brut & Art singulier, notamment après la parution d'une vidéo d'Arte (devenue payante en 2023 puis à nouveau en accès libre...) et le numéro 181 d'Artension Que devient l'Art brut ? Outre la tentative de définition apportée par Christian Berst – si les Singuliers espéraient être adoubés par le monde artistique, l'Art brut n'était que le fait d'individus sans quête ni bannière... – on retiendra surtout l'idée de protagonistes créatifs autonomes. Ce simple fait est déjà un véritable schisme sociologique et place ces Artistes en danger. Savoir vite redonner au terme « singulier » son étymologie première – c.-à-d en dehors de tout collectif – et comprendre par certaines philosophies, comme celles des Protestants des Cévennes ( minutes 3:00 et 5:40), qu'un individu a le « droit » de refuser pour sa démarche personnelle toute affiliation à un collectif... Pour le conservateur Michel Thévoz, la réalité reste plus associée, hélas, aux représentations (et aux goûts, projections) de l'Homme normal (voire de pseudo-autorités évaluatrices plus ou moins locales ). Homme normal toujours tenté d'associer ce qu'il prend pour des marginaux à des êtres en manque donc en souffrance ; sans parler du discours spirituo-thérapie qui va avec... Cette « distinction » participe de fait à de fausses identités collectives, si ce n'est à la prospérité du vice selon l'expression de l'économiste Daniel Cohen. Quelle adaptation sera dès lors « nécessaire » pour l'Artiste singulier véritable ? Coup de chapeau à Georges Widener, modeste et génial dans la vidéo d'Arte, qui, sauvé de son Kentucky natal par quelques grands galeristes, a encore du mal avec ça to be honest... On l'imagine très bien, après avoir adapté son travail à quelques exigences de collectionneurs du marché, rentrer chez lui pour continuer de remplir des carnets en secret... Pire, étant désormais capable d'analyser cette situation sociale, Widener peut-il encore être considéré comme singulier ? 

La Trousse de Foin

La réponse semble être indéniablement oui, surtout vis- à-vis des Singuliers qui font œuvre sociale critique. On pense par exemple au Vaudois Carlo Ferrero dont les gentilles saynètes de la vie d'autrefois s'accompagnaient d'un discours assez dur quant aux évolutions sociétales de ses contemporains ; et le système des musées vaudois d'Italie de mettre en valeur sa collection singulière... On pense aussi à Gérard Lattier, toujours critique envers son territoire, dont l'art brut est désormais un fleuron de la promotion tourisme ardéchoise...
Globalement, il semble même que tout Art singulier véritable doive procéder d'une analyse sociale – voire d'un discours – pour être digne de ce nom. Si Michel Thévoz reste de ceux qui continuent de chercher des dissidents quelque part, la « reconnaissance » n'est pas tant due ici à une qualité qu'à une réalité politique voire laïque... L'Art singulier de Stéphane Simiand n'échappe bien sûr pas à ces phénomènes et sa chronologie est riche d'enseignements sociaux.   
Mieux, le travail de l'Artiste peut se déplacer désormais sur le seul « concept », rejoignant ainsi l'Art contemporain au-delà des niches Art modeste. Par le travail d'un Artiste singulier se pose bien la problématique de l'Objet selon la théorie de l'Anthropologue René Girard. Peu importe finalement ce que désire le Singulier à travers l'Objet montré. Ce qui est époustouflant ici, c'est en quoi cette simple « idée d'un désir » sera vite convoitée par d'autres – voire par des stratégies collectives – et deviendra rivalité... On bascule dans la sociologie pure. Ainsi, grâce au Singulier, nous ne désirons jamais seuls... Mieux, le sachant, en quoi le Singulier pourra – à son tour – générer consciemment des situations sociales ? Tout un programme.    

Art singulier