À propos d'Art brut

Art brut

Dernière modification, juin 2025 : La belle vidéo d'Arte sur l'Art brut était devenue rapidement indisponible (mai 2023) mais restait achetable en ligne... Elle nous avait cependant permis de définir un peu mieux le truc, d'aborder la question énigme de la pratique générale artistique même, et le résumé suivant resta donc en ligne quelques années...

 
 
Aujourd'hui l'altérité se vend bien... Arte nous rappelle que le « concept art brut » a bien été inventé de toute pièce par Jean Dubuffet dans les années 1940. Paradoxe du premier « collectionneur » qui avait empêché l'explosion du marché... Comme le dit Bruno Decharme, l'ironie de ces échanges/ventes, c'est bien de l'Histoire de l'Art et on ne peut rien y faire. 
- Passons vite sur le clochard céleste, Hassan, qui ne peut même pas prendre conscience de la valeur de son art. Quand son travail sera exposé à Paris et New-York, il a déjà « disparu »... Savoir se détacher durablement sans identification de cette réalité. Inutile de se lamenter, simplement se rassurer ; l'art brut serait encore dénichable au coin de la rue... 
- Les anglo-saxons préfèrent parler de folk-art, d'outsider-art, mais ces étiquettes ne voudraient plus rien dire. On désire plutôt aujourd'hui une « histoire », un beau storytelling en packaging. Pourtant la notion même de folk-art nous amène aux cultures dites populaires, au travail des anthropologues et des sociologues. Quid de l'évolution sociale « artisanale » des territoires ?   
- Michel Thévoz n'y va pas par quatre chemins ; c'est la première fois, dans l'espèce humaine, que la pratique artistique s'éloigne tant des gens. Redonner sa force à la dynamique offensive de l'art brut et savoir le détourner de la psychiatrie. Retrouver simplement le processus de création, son énergie primordiale. Et Arte de nous rappeler la « notion contestataire » de l'art brut... 
- La réalité serait plus, hélas, celle de la triste revanche de « l'homme normal » ; cantonner les marginaux à des êtres en souffrance pour les « distinguer ». Au mieux, adopter des quotas de représentativité comme pour les acteurs de cinema. Même avec un « avantage au départ », lesquels de ces artistes « jouent » ce que l'on attend d'eux, lesquels restent authentiques ? Possibilité d'être exposé mais savoir un minimum s'adapter aux réalités du marché... Chapeau à George Widener – modeste et génial – qui, « sauvé » de son Kentucky natal par quelques grands galeristes, a quand même encore du mal avec ça ; to be honest...

Septembre 2023 : N°181 de la revue Artension. Que devient l'Art brut... 

Art brut, le numéro d'Artension

Cette revue d'Art actualise aussi le concept mais pas un mot sur la vidéo d'Arte qui avait pourtant le mérite de signaler la chose à un public plus vaste. Sans surprise, on retrouve un Michel Thévoz qui ironise sur l'intégration de l'Art brut au marché. Oui, dit-il, et c'est tant mieux ; il doit bien rester des dissidents quelque part, il restera toujours une catégorie d'artistes qui sera le verso-structural de l'Art officiel... Et Michel de lorgner vers les graffeurs et les risques inconsidérés qu'ils prennent.
La revue revient sur l'importance de cette classification par Jean Dubuffet ; définition qui valide de fait la séparation entre l'Art et la population... Dubuffet découvre un continent perdu avec ses anonymes refoulés. Un Art vite écarté par toutes sortes de libellés dont « Art populaire des campagnes »... L'Art brut sera finalement la création d'un ghetto à l'origine de malentendus et de critiques. Et c'est Christian Berst qui nous donne in fine la définition à connaître ; si les singuliers espéraient être adoubés par le monde de l'Art, se fédéraient en collectifs, l'Art brut n'était que le fait d'Individus sans quête ni bannière... 
Et Artension de militer encore un peu ; savoir protéger l'Art brut de l'intégration dans le monde de l'Art, du paradigme primitiviste. La théorie sur l'Art brut ne suffit plus, il s'agit de percevoir sa dimension subversive... Mieux, l'attrait pour le « storytelling difficile » de l'Artiste serait enfin en passe d'être supplanté par ce que son œuvre nous dit sur la société, même si la confrontation entre Art contemporain et Art brut aboutit fatalement à un mix des deux. Et l'on finit en chanson avec le célèbre Philippe Katerine – qui comme chacun sait fut étudiant en Art plastique dès les années 1980 – garant d'un mignonisme pas si rose... Malaise, et on ne dira pas pour qui il roule.

Conclusion provisoire : De fait, l'Artiste brut n'a rien demandé... Savoir si son travail parle de notre société implique deux choses ; interpréter son œuvre et supposer qu'il ait pu faire de même sur la société. Mieux, savoir si son travail possède bien cette « part des Anges ». Recherche de la Vérité, oui mais... la tendance thérapeutique du moment – autre numéro Art-thérapie d'Artension très instructif – t'invitera vite à cesser toute interprétation rationnelle du collectif au profit d'une introspection pour rechercher tes motivations profondes...